Sommaire pour No. 522 de Lire (2025)

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Lire|No. 522ÉDITOLa vie par procuration: ne serait-ce pas l’une des meilleures définitions de la littérature? Cette référence au titre d’une fameuse chanson de Jean-Jacques Goldman prend une signification particulière en cette rentrée, dont l’un des événements est justement la parution de l’essai biographique d’Ivan Jablonka consacré au chanteur – souvent désigné « personnalité préférée des Français ». Cet ouvrage, certes contestable à bien des égards mais riche et passionnant, donne un peu le la d’une production éditoriale, se référant parfois de près ou de loin à des faits bien réels, à l’image des nouveaux romans de Sorj Chalandon, Agnès Desarthe, Pierric Bailly ou Julie Héraclès – pour ne citer que quelques-uns de nos livres préférés. Car on pourrait également recommander, dans des registres très variés, Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea…2 min
Lire|No. 522Belle-Île amèreL’ACTUALITÉ • EN VEDETTE Belle-Île-en-Mer est un joyau naturel, un site touristique incontournable. Mais BelleÎle-en-Mer, c’est aussi le site de Haute-Boulogne, fortification élevée en 1802, prison devenue colonie pénitentiaire pour jeunes délinquants. Un bagne pour enfants de 8 à 21 ans, resté célèbre par la grande évasion de cinquante-six de ces « colons », le 27 août 1934. Ce soir-là, les autorités demandèrent aux Bellilois de traquer les fuyards, une récompense de 20 francs à la clé. En quelques heures, l’ensemble des évadés avaient été retrouvés. Du moins, c’est ce que clamèrent les autorités. Alors de passage sur l’île, un certain Jacques Prévert allait écrire son célèbre Chasse à l’enfant. Cette chasse est le cadre unique de Belle-Île, le deuxième long-métrage d’Élie Grappe (tournage à l’automne, sortie annoncée en 2024),…3 min
Lire|No. 522COLETTE À L'HONNEURUne thématique fil rouge traversera cette édition du festival bisontin. Livres dans la boucle tenait en effet à fêter comme il se doit le 150e anniversaire de la naissance de l’écrivaine Colette, figure du féminisme, intimement liée à la ville de Besançon. De nombreux temps forts lui seront ainsi consacrés: une grande rencontre autour de son œuvre avec deux éminents spécialistes, Emmanuelle Lambert (Sidonie Gabrielle Colette, Gallimard) et Frédéric Maget (Notre Colette. Un portrait de Colette par ses lectrices, Flammarion), une lecture de ses textes par Marie-Christine Barrault et François Marthouret avec l’Orchestre Victor-Hugo de Franche-Comté, et, enfin, la projection du film Colette (2018), de Wash Westmoreland.…1 min
Lire|No. 522Interroger ce que l'on naîtL’ACTUALITÉ • LA FEMME À SUIVRE La première fois que l’on a entendu parler de Diana Filippova, elle était porte-parole de OuiShare, une association en pointe sur le sujet de l’économie collaborative, nouveau modèle à inventer. La fois suivante, on la découvrait au côté de Raphaël Glucksmann au sein de Place publique, un mouvement à part, pro-européen, jeune, qui voulait réinventer la politique. La rencontre la plus récente, c’est ce livre, De l’inconvénient d’être russe. Ce n’est pas son premier ouvrage, loin de là, mais encore une fois il s’agit ici de se réinventer. Une opération qui n’est possible qu’à condition de savoir « ce que l’on est », voire ce que l’on naît, car comment ne pas penser, en lisant ce titre, à Cioran et son Inconvénient d’être né?…3 min
Lire|No. 522« Dans ce procès, là où il n'y a pas de preuves, il y a les mots »A près Sibyl, en 2019, c’est la deuxième fois que vous filmez un personnage d’écrivaine. Quel rapport entretenez-vous avec l’écriture? Justine Triet. Ce que j’écris n’étant jamais autobiographique, je ne choisis pas des cinéastes, mais des personnages qui créent. Dans ce film, je trouvais intéressant de mettre en scène une femme, Sandra, dont les livres vont être analysés au procès. J’ai aussi souhaité que son compagnon décédé, Samuel, soit écrivain également. Il y a une confrontation dramatique que je trouve d’autant plus passionnante que je vis moi-même avec quelqu’un qui fait le même métier que moi [Arthur Harari, réalisateur d’Onoda]. Cela amplifiait l’idée d’un couple qui essaie d’être dans la parité mais qui n’y arrive pas. Elle a du succès, pas lui: j’inverse les standards du couple classique. Les mots…5 min
Lire|No. 522À l'étoufféeDix ans après Abus de faiblesse, l’autrice Catherine Breillat revient derrière la caméra. L’Été dernier, en compétition au dernier Festival de Cannes, est un remake du film Dronningen, de la Danoise May el-Thouky. Avec le même point de départ: une femme, avocate, a une liaison amoureuse et sexuelle avec son beau-fils de 17 ans. Il avoue, elle nie. Frisson familial, thème sociétal, ambition morale: Catherine Breillat, qui n’aime rien tant que les sujets qui chauffent les yeux, l’esprit et la raison avec, souvent, des morceaux de sexe dedans, notamment dans Anatomie de l’enfer, avec Rocco Siffredi. La provocation ne lui fait donc pas peur, mais c’est paradoxalement ce qui est absent de cet Été dernier. Tout n’y est que calme et cheveux lisses. L’exposition est parfaite, mais, une fois l’acte…1 min
Lire|No. 522Mystères et pubertéEntre Harlan Coben et le petit écran, c’est une longue et fructueuse histoire d’amour, qui a commencé sous pavillon français avec les miniséries Une chance de trop et Juste un regard, diffusées sur TF1. En 2018, Netflix signe avec l’auteur un mirobolant contrat prévoyant pas moins de quatorze adaptations. Cinq ans plus tard, c’est au tour de Prime Video de mettre le grappin sur le prolifique maître du polar. Premier jalon de cette nouvelle collaboration, À découvert (Shelter, en V.O.) est l’adaptation du roman éponyme de l’Américain, publié en 2011. On y fait la connaissance de Mickey Bolitar (neveu de Myron Bolitar, personnage phare des romans de Coben), un adolescent parti vivre chez sa tante, dans la petite ville de Kasselton, après le décès brutal de son père. Bien décidé…2 min
Lire|No. 522LE PODCASTKube → On a déjà parlé dans ces pages de la formidable initiative Kube, une box littéraire personnalisée pour chacun par des libraires, et livrée partout dans le monde. Pour élargir la communauté, les trois fondateurs proposent désormais un podcast passionnant qui commente l’actualité littéraire. LA NEWSLETTER Incipit → Notre journaliste Léonard Desbrières a lancé cet été une newsletter littéraire consacrée à la nouvelle génération de romancières et romanciers français. Des portraits, des interviews et des listes de lecture directement dans votre boîte mail, gratuitement! Rendez-vous sur Kessel.media pour vous abonner. LE REPLAY Milan Kundera. Odyssée des illusions trahies → Dès le lendemain de la mort du romancier d’origine tchèque Milan Kundera, Arte.tv mettait en ligne ce documentaire fascinant qui revient sur la trajectoire singulière et énigmatique de ce géant…1 min
Lire|No. 522Cordes sensiblesAmati, Stradivari, Guarneri, Goffriller… L’époque fastueuse de la lutherie à Venise et à Crémone s’est teintée de noms illustres qui fondent la légende et font gambader l’imaginaire. Avec sa Suite inoubliable, Akira Mizubayashi s’appuie sur le mystère de la facture instrumentale pour développer un récit envoûtant qui nous transporte entre Tokyo, Karuizawa, Marseille et Paris. En 1936, Ken Mizutani part explorer son talent de jeune violoncelliste au Conservatoire de Paris, mais le début de la guerre le rappelle, trois ans plus tard, dans son pays. Prisonnier d’une dictature violente et mortifère, il se lie d’amitié avec sa luthière française et lui présente son splendide Goffriller de 1712, confié par une fondation à l’issue d’un concours brillamment remporté à Lausanne. En 2016, une jeune luthière découvre cet instrument au vernis rouge…2 min
Lire|No. 522Judéité littéraire« La littérature juive de langue française n’existe pas, et nous allons vous en parler. » C’est avec ce trait d’esprit digne de Woody Allen que Nelly Wolf introduit le paradoxe qui traverse son dernier ouvrage, Le Juif imaginé. Scénographie de la judéité dans le romanfrançais. La littérature juive est, à ses yeux, cette entité à la fois obscure et évidente, un objet littéraire dont l’existence parfois floue est pourtant confirmée jusque dans sa remise en question. L’histoire de la littérature juive ref lète en cela celle, riche et tragique, des Juifs en France: « Les termes du contrat social proposé à la minorité juive au moment de la Révolution française ont durablement façonné l’existence juive entre une invitation à paraître et une injonction à s’effacer. Les écrivains pourvus d’une…3 min
Lire|No. 522Terres de paroles, entre l'oral et l'écritTerres de paroles nous offre cette année une nouvelle édition ambitieuse. Ce festival littéraire itinérant, qui s’installe partout dans le département de la Seine-Maritime, porte les lectures et les rencontres au-devant du public, dans les grandes villes mais aussi dans les petites communes ou au coeur de lieux uniques, comme l’abbaye de Jumièges. Le festival, qui s’ouvrira le 30 septembre par une rencontre entre l’académicien Dany Laferrière et le lauréat du Goncourt 2021, Mohamed Mbougar Sarr, promet de savoureux instants. Michelle Perrot, Lydie Salvayre et Annie Ernaux nous offriront des moments hors du temps face au public, tandis que Lola Lafon et Hélène Frappat s’essaieront, en duo, à l’exercice de la carte blanche (le 5/10, à Rouen). En compagnie de la pianiste Aline Piboule, Pascal Quignard dévoilera un récitrécital en…1 min
Lire|No. 522Maupassant, le Faune et la lyreLES CLASSIQUES Vous l’avez lu, vous l’avez aimé, vous l’avez oublié? Vous y reviendrez! Car Guy de Maupassant n’est pas seulement cet auteur pour adolescents avides de sensations fortes et de cyniques leçons de vie! Dans ce numéro, retour sur la figure de l’auteur d’Une vie, sur son génie stylistique sous influence flaubertienne, sur l’amplitude exceptionnelle de son inspiration – des nouvelles fantastiques aux romans implacablement réalistes –, sur sa capacité à se glisser dans tous les univers, des salons parisiens aux bateaux de pêche normands… Travailleur frénétique, Maupassant était aussi un jouisseur acharné, grand amateur de femmes, ainsi qu’un pessimiste athée sujet au désespoir, rongé par la syphilis et hanté par la folie. Un disciple de Flaubert, certes, mais capable d’écrire au bord de l’abîme… Parution le 15 septembre.…1 min
Lire|No. 522Libertin de second rayon« J’ai écrit l’histoire de ma vie pour ma propre satisfaction. Je souhaite, ami lecteur, qu’elle te procure quelque amusement. Je suis jeune, je m’amuse de peu de choses, voilà une excuse… » Avec cet argument ingénu, l’auteur anonyme soumet au lecteur un roman paru en 1770 sous le titre Mémoires et aventures du Chevalier de St.-Vincent. Un roman de jeunesse, donc, un exposé très détaillé des débuts d’un gourgandin à l’époque pompadour. « J’avais 15 ans lorsque mon père, craignant les écueils de Paris, m’envoya en province finir mes études commencées fort nonchalamment et que je continuai avec autant de négligence. J’entrais en Rhétorique, c’est à peu près le temps où l’on cesse d’être polisson pour devenir libertin… » Le cœur en pleine effloraison, c’est avec la sœur aînée…3 min
Lire|No. 522En cinq livres LA FINE FLEUR DE MARGUERITEMÉMOIRES D'HADRIEN, GRAVÉS DANS LE MARBRE Véritable serpent de mer littéraire, ce roman historique que beaucoup considèrent comme son chef-d’œuvre fut écrit entre 1924 et 1939 sous différentes formes, l’écrivaine finissant par en égarer la dernière version en 1939, lors de son départ définitif pour les États-Unis. Bien plus tard, elle recevra de Suisse « une malle pleine de papiers et de lettres » de la part de l’hôtel Meurice de Lausanne, où elle avait séjourné pendant la guerre, confie-t-elle dans les « Carnets de notes » des Mémoires d’Hadrien. Dans la malle, elle tombe sur une curieuse lettre dactylographiée qui commence par un énigmatique « Mon cher Marc… ». Il s’agit du manuscrit perdu, une longue lettre en forme d’épître, qu’en l’an 138 l’empereur romain Hadrien est censé avoir…2 min
Lire|No. 522LE TOUR DE LA PRISON, UNE INVITATION AU VOYAGE« Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir au moins fait le tour de sa prison? » s’interrogeait Zénon. À l’image du héros de L’Œuvre au noir, mais aussi du prêtre errant Bashô, qu’elle fait revivre avec tendresse dans ce livre posthume, Marguerite Yourcenar fut une grande voyageuse, la pérégrination étant pour elle un « moyen d’enrichissement et de connaissance », une manière de « briser les préjugés » et une façon privilégiée de vivre l’instant: « On ne voit pas deux fois le même cerisier, ni la même lune découpant un pin. Tout moment est dernier, parce qu’il est unique. » Conçu de son vivant, ce recueil de quatorze textes, dont certains sont inachevés, s’articule autour d’un voyage qu’elle effectua en 1982 au Japon, où elle donna une…1 min
Lire|No. 522« Le Labyrinthe du monde » UNE RÉÉCRITURE DU MOILE DOSSIER • MARGUERITE YOURCENAR, MODERNITÉ D’UNE INACTUELLE Souvenirs pieux; Archives du Nord; Quoi? L’Éternite. Triptyque dont l ’écriture s’échelonne sur près de vingt ans, « Le Labyrinthe du monde » échappe à toutes les classifications de genre. Malgré le projet affiché d’une enquête sur les origines, puisqu’il s’agit, au dire de Marguerite Yourcenar, à travers ces investigations généalogiques, de « remonter du presque présent au passé de la race tout entière » (Les Yeux ouverts), il ne s’agit là ni d’une autobiographie, le sujet se dérobant résolument dans les deux premiers volets (dans Souvenirs pieux, Marguerite, sitôt née, s’efface devant la trace de la lignée de sa mère, Fernande, née Cartier de Marchienne, tandis qu’elle a à peine six semaines au terme d’Archivesdu Nord, consacré à l’ascendance de son…7 min
Lire|No. 522Fiction française et environnement UNE RENTRÉE EN SURCHAUFFEL’ENQUÊTE Faire littérature de nos inquiétudes face à une nature et à un monde en péril, tel est le postulat de plusieurs auteurs dont les couvertures s’étalent en ce moment sur les tables des libraires. Outre Serge Joncour et Clara Arnaud, qui nous ont accordé un entretien croisé (lire page 60), ils partagent avec nous leur vision et les raisons pour lesquelles ils se sont emparés du sujet. Fort remarqué il y a trois ans avec Ce qu’il faut de nuit, Laurent Petitmangin offre avec Les Terres animales (La Manufacture de livres) une histoire d’amitié en zone irradiée. Dans une forêt située quelque part en France, nous suivons une bande d’amis qui a choisi de rester sur les lieux, alors qu’une centrale nucléaire voisine a explosé. Comment se protéger, comment…7 min
Lire|No. 522Clara Arnaud • Serge Joncour « LA RURALITÉ, C'EST LE DOUTE CONSTANT »Dans vos romans respectifs, vous racontez des régions sauvages qui font partie de votre vie. Qu’est-ce que ces terres représentent pour vous? Serge Joncour. Le Lot, c’est le pays de ma belle-famille. C’est à six heures de Paris, personne ne sait le placer sur une carte. Ce qui me plaît, c’est de pouvoir marcher 20 kilomètres sans croiser âme qui vive. Ça me fascine que ce soit encore possible. Mes compagnons de route sont des chevreuils, des sangliers. La nuit, on entend les animaux rôder. J’habite leur territoire, et non l’inverse. Clara Arnaud. C’est exactement ça: être remis à sa place. J’ai été nomade pendant de longues années, puis je suis tombée amoureuse de l’Ariège, et plus particulièrement du Couserans, une province historique, la plus enclavée, la plus montagneuse des…5 min
Lire|No. 522Pascal Quignard Les Heures heureusesUn verger, rue du presbytère. Les fruits sont mûrs, mais celle qui s’en délectait n’est plus là pour les cueillir. Un ami les recueille pour elle, son regard tourné vers le passé. « Je ne sais pas si j’éprouve de la joie à faire revivre le bonheur », songe-t-il, sa peine mêlée à la douceur du soleil. Les « heures heureuses » sont celles vers lesquelles nous nous retournons en mesurant de façon rétrospective le bonheur qui les imprégnait. Le titre du douzième tome de « Dernier royaume », de Pascal Quignard, évoque l’amitié, exceptionnelle, entre un homme et une femme. Il renvoie également au cycle des saisons, à l’émerveillement suscité par la nature qui, chaque printemps, s’éveille. Une immuabilité qui ne parvient pas à arracher les hommes à leur…11 min
Lire|No. 522Aïeux entre deux rivesDécidément, l’histoire familiale d’Olivia Elkaim est un inépuisable trésor méditerranéen! Comprendre cette mémoire dévorante est une question salutaire pour l’autrice, hantée cette fois par le fantôme d’une grand-mère accro à l’alcool et au tiercé, aux prises avec la mafia corse à Marseille, après avoir émigré de Tunisie. Fille de Tunis est aussi l’occasion de revenir sur la période du protectorat français, quitte à égratigner son grand-père, militant de sa consolidation; et de dénoncer l’État complice de la pègre, en particulier de la famille Guérini. Mais, au-delà de cette charge politique explosive, l’exploration de la « psychologie du joueur » nous entraîne dans des abysses vertigineux, le ton est juste et le verbe est aussi évocateur que précis. L’écrivaine parviendra-t-elle à conjurer la malédiction? En tout cas, le sortilège opère d’un…1 min
Lire|No. 522Super NannyEsquisse de la violence infligée à des personnages disloqués, expressive de toute part et hantée par la souffrance, l’œuvre plurielle du peintre britannique invoque régulièrement l’autobiographie. Mais celle qui fut La Nourrice de Francis Bacon, figure méconnue de la sphère très fermée de l’enfant qu’il était alors, aura – avec sa grand-mère – ce qu’il faut de légèreté et de bienveillance pour ne pas sombrer. Jessie Lightfoot nouera avec le garçon un lien puissant qu’elle entretiendra bien après la majorité du peintre. Maylis Besserie décortique superbement la relation presque filiale qui les unit dans un récit à la première personne, dressant çà et là l’histoire d’un homme brisé, traumatisé, et d’une femme prête à tout pour réparer les pots cassés des géniteurs. Portant la narration au cœur d’un contexte historique…1 min
Lire|No. 522NICOLAS CHEMLA Les derniers jours de SodomeC’est un objet littéraire déroutant, une plongée dans un tourbillon ésotérique à travers les âges. Rappelons que Nicolas Chemla – à qui l’on doit Murnau des ténèbres – n’en est pas à son coup d’essai avec l’occultisme. Nous l’apprenons d’emblée par le premier narrateur de L’Abîme : l’auteur du journal que lui remet un vieux commissaire est mort dans des conditions mystérieuses. Dans l’immeuble lovecratien où il vécut, à Paris, nous sommes happés par le récit de cet Américain homosexuel, aussi attachant qu’« à rebours » de l’époque. D’ailleurs, c’est un grand lecteur de Huysmans, et notamment de Là-bas et de ses orgies sabbatiques kitsch dans le Paris de la fin du XIXe siècle, dressant un pont entre cette époque et la nôtre. Il adopte un chat diabolique, qui n’est…1 min
Lire|No. 5223 RAISONS D'ÊTRE TOUCHÉ PAR…Parce qu'il s'ancre dans un débat sur la fin de vie Autorisée en Suisse, où elle est pratiquée par des associations de la société civile, l’assistance au suicide divise pourtant les Français. L’un des personnages principaux, Édith – la mère de famille –, est atteint d’une maladie incurable et fait le choix de mettre fin à ses jours, fixant naturellement le jour et l’heure de son décès. Carole Fives dresse le récit de l’ultime voyage de cette famille française à Bâle pour accompagner la souffrante jusqu’à son dernier souffle. Pour la pluralité des points de vue Si les personnages du Jour et l’Heure font le choix de suivre leur mère en Suisse, ce n’est pas sans émotions contrariées. L’acceptation d’un côté, le refus de l’autre, mais également le déni, la…1 min
Lire|No. 522MARIA POURCHET En demi-teintePOUR Une plume qui saisit l'époque « L’ouest est la direction des dénouements. La porte vers le monde des ancêtres, la direction des épreuves. C’est quitter, être quitté et apprendre à trouver sa voix dans les ténèbres », écrit la poétesse amérindienne Joy Harjo dans son récit autobiographique Crazy Brave (2020). C’est en ce sens qu’il faut comprendre le titre du dernier roman de Maria Pourchet, Western : une interprétation contemporaine de l’Ouest éternel, transposé en France, de nos jours. Pour l’incarner, une femme et un homme au bord du gouffre: Aurore, « preuve anémiée mais vivante » de ce que le corps est capable de supporter avant de s’effondrer, et Alexis, cow-boy solitaire pas vraiment déconstruit. Incisive, la plume de Maria Pourchet saisit notre époque et ses contradictions, en…2 min
Lire|No. 522MOKHTAR AMOUDI À l'école de la vie« Mon métier, c’est d’ écrire. Et, avant, c’était de m’en sortir », nous dit-il d’un ton assuré. En ce début d’été où nous le rencontrons, Mokhtar Amoudi sait que sa vie changera à la rentrée: il sera vraiment romancier. Enfin romancier. Pour l’instant, il savoure encore cette mutation, qui a débuté en fait il y a des années: « J’écrivais depuis six ans, je tournais autour du pot et, il y a quatre ans, je me suis senti prêt à raconter ça. » « Ça », c’est la vie de Skander, son personnage, qui se présente ainsi: « Je vivais une aventure étrange, celle de l’ASE, l’Aide sociale à l’enfance. On m’y avait mis à un an ou peut-être deux. Je n’ai jamais pu le cacher, c’était notoire. On…2 min
Lire|No. 522JOSÉPHINE TASSY Les amis de ma mèreUn matin, Nuria se réveille à côté d’un jeune homme rencontré en discothèque. Il dormait quand, à 3 heures du matin, elle a appris que sa mère était morte. Elle s’est recouchée loin de l’inconnu, dans l’odeur de la cigarette et de l’alcool. « Le soleil se lève le jour où les mères meurent », pense-t-elle, impavide. D’emblée, le carambolage des situations extrêmes – la fête et le deuil, l’intime et l’étranger – impose le silence et l’hésitation aux personnages, et emporte le lecteur. Et tant pis si les envolées lyriques et les métaphores du premier roman de Joséphine Tassy débordent parfois: c’est l’audace d’une jeune autrice qui ne compte que sur sa voix pour imposer un monde. L’héroïne de L’Indésir, Nuria, traverse un Paris caniculaire et frénétique, où elle…2 min
Lire|No. 522Salman Rushdie La Cité de la victoireDéjà connu pour son goût du réalisme magique, Salman Rushdie emprunte aux grandes épopées sanskrites dans son quinzième roman, La Cité de la victoire. Il est présenté comme l’adaptation d’une geste écrite par « la poétesse aveugle, faiseuse de miracles et prophétesse » Pampa Kampana, morte à 247 ans après avoir fondé l’empire de Bisnaga, dans le sud de l’Inde. Jeune orpheline au XIVe siècle, elle est chargée par une déesse de faire littéralement pousser une cité et ses habitants à partir d’un sac de graines, puis de chuchoter des souvenirs personnels aux milliers d’êtres ainsi sortis de terre pour achever de leur donner la vie. En tant qu’épouse, conseillère ou adversaire des souverains successifs de Bisnaga, Pampa Kampana s’emploiera à promouvoir l’égalité des sexes et à déculpabiliser le peuple…12 min
Lire|No. 522Un si lourd héritageDans l’un de ces musées « très beaux » érigés sur des choses « très laides » – le Quai-Branly –, Gabriela Wiener découvre des centaines de statuettes préhispaniques qui lui ressemblent. Mais, gravé aux cimaises, le nom du collectionneur responsable de ce pillage d’œuvres est aussi le sien. Comment hériter à la fois du huaco, l’objet sacré, et du huaquero, son prédateur? Lancée, à la mort de son père, sur les traces de cet aïeul aussi fascinant que honteux, la journaliste, Péruvienne résidant en Espagne, découvre à ses dépens que sa vie moderne, expatriée et polyamoureuse, n’est probablement pas aussi déconstruite et décolonisée qu’elle le croit. Par cet (auto) portrait plein d’autodérision, elle propose une réflexion brillante – et remarquablement traduite – sur l’appropriation culturelle, l’imposture et l’identité.…1 min
Lire|No. 522DAVID GRANN Robinsonnade mortelleUn nouveau genre a envahi notre paysage littéraire comme une traînée de poudre. Dans la bouche des éditeurs, dans les programmes de parutions, dans les médias, on parle beaucoup de « narration du réel ». Une soudaine révélation: on pourrait donc faire un roman sans avoir recours à la fiction! Si hier Florence Aubenas et Emmanuel Carrère paraissaient bien seuls, ils sont nombreux désormais à se joindre à l’aventure: Ivan Jablonka, Mathieu Palain, Alice Géraud… Tous embrassent le même héritage, celui de la non-fiction américaine, et tous marchent sur les traces d’un écrivain: David Grann. Le reporter emblématique du New Yorker est devenu, au fil de ses livres et de leur adaptation par les plus grands réalisateurs d’Hollywood, une légende, qui, à la suite de Tom Wolfe ou de Truman…2 min
Lire|No. 522Corps gros, cœur lourdMaria Luisa est La Grosse. Une enseignante qui fut autrefois obèse, avant une gastrectomie. Au début du roman d’Isabela Figueiredo, la narratrice a perdu 40 kilos, et une part d’elle-même que son récit s’occupe à retrouver. Une succession désordonnée de souvenirs trace les contours d’une existence marquée par le surpoids et le statut de retornada, terme désignant les colons portugais contraints de quitter le Mozambique après l’indépendance, en 1975. S’il est facile de masquer ses origines, Maria Luisa ne peut rien contre son apparence, qui lui vaut au collège le surnom de « baleine bleue ». Utilisée par une camarade au corps de reine, qui lui demande de laver ses vêtements et de lui passer de la crème après le bain; larguée deux fois par David, qui l’aime sincèrement mais…1 min
Lire|No. 522Un héros qui s'ignoreLa littérature est peuplée de truculents personnages qui sont les prisonniers volontaires d’un monde qui les dépasse, égarés, en souffrance, mais qui se débattent pour continuer d’avancer et trouver un peu de sens. Au moment d’arriver à Paris pour couvrir un sommet sur le climat, Giulio est dans une impasse. Rongé par une éco-anxiété grandissante, sur ses gardes face à la vague d’attentats islamistes qui terrorisent l’Europe, il est surtout dévasté par une crise intime, la dérive progressive de son couple. Désinvolte, attentiste, il est le premier responsable de cet effondrement, mais le destin va se charger de lui offrir une seconde chance. Avec Tasmania, la grande vedette de la littérature italienne Paolo Giordano, auteur acclamé de La Solitude des nombres premiers, revisite les Lumières, se mue en Diderot, en…1 min
Lire|No. 522EMILY ST. JOHN MANDEL Voyageurs du tempsÀ quoi tient la réalité d’un monde? Au fait de pouvoir le toucher? D’y détecter une intensité et un relief qu’aucune virtualité n’atteindra jamais? Ou au simple fait d’y croire et d’y tenir? De ces vertigineuses questions déferle La Mer de la Tranquillité. D’abord connue pour ses polars, Emily St. John Mandel avait fait une première incursion remarquée en science-fiction, en 2014: dans Station Eleven, fable postapocalyptique tout en flash-back, une fulgurante « grippe de Géorgie » délestait le globe de 99 % de sa population – prescience étonnante dont la chaîne HBO fit les frais lorsque son adaptation en série dut s’interrompre, en 2020, pour cause de pandémie… Avec ce nouveau roman, salué par Barack Obama comme l’un de ses favoris de l’année, l’autrice canadienne mise de nouveau sur…2 min
Lire|No. 522SETH GREENLAND Épineux épidermesComment écrire sur les relations entre communautés ethniques aux États-Unis, sujet rendu d’autant plus sensible en 2023 par la promptitude des procès en appropriation culturelle? Avec Plan américain, Seth Greenland trouve une double parade. D’abord, la gouaille et l’humour de ce scénariste de renom euphorisent le lecteur au fil de chapitres courts dont le rythme ne retombe jamais, même quand nostalgie et tragédie s’immiscent dans le récit. Ensuite, il situe l’action dans un décor aux allures de dimension parallèle vu d’aujourd’hui: le New York de la fin des années 1970. La ville est alors « une estropiée sublime, profane et tapageuse ». Ceux qui tentent de vivre de leur art peuvent encore y résider. Parmi eux, Paul rêve de devenir cinéaste plutôt que de reprendre la mercerie de sa famille…1 min
Lire|No. 522IVAN JABLONKALE GRAND ENTRETIEN PAR BAPTISTE LIGER « Goldman incarne une France qui était fière d’elle-même » On le connaissait pour un prénom; c’est désormais à un nom qu’il faudra l’associer. Le grand public avait découvert l’historien Ivan Jablonka avec la parution, en 2016, de son enquête Laëtitia ou la Fin des hommes, qui s’emparait d’un triste fait divers (l’assassinat, en 2011, de la jeune Laëtitia Perrais) pour mieux évoquer, à travers la vie de la victime, la condition féminine et la réalité sociale et politique en France – tout en s’interrogeant sur les genres littéraires. Hasard, il se trouve qu’une chanson, sortie en 1978 et un peu méconnue, portait déjà ce titre. Son auteur? Un certain Jean-Jacques Goldman. Ce n’est pas pour cette raison, toutefois, que l’auteur d’Histoire des grands-parents…17 min
Lire|No. 522Tous à Besançon!Après une édition 2022 record, Livres dans la boucle fait son grand retour, du 15 au 17 septembre, au cœur de Besançon et dans toute l’agglomération. « Échanger, se divertir, découvrir ou redécouvrir la beauté et la force des mots », voilà ce que le festival proposera en cette rentrée à un public toujours plus nombreux. Après Tatiana de Rosnay en 2022, c’est l’académicien Dany Laferrière, le grand romancier natif d’Haïti, Prix Médicis 2009 pour L’Énigme du retour, qui a accepté d’être le président d’honneur de ce festival placé sous le signe de l’amour des mots et de la francophonie. À ses côtés, on retrouvera un plateau d’écrivains prestigieux parmi les plus attendus de la rentrée, dont Laurent Binet, Amélie Cordonnier, Jean-Baptiste Andrea ou encore Tobie Nathan. Comme chaque année,…1 min
Lire|No. 522Humanité en mal d'amourAuteur de nombreux succès de librairie – Un merveilleux malheur, Les Vilains Petits Canards ou encore, plus récemment, Sauve-toi, la vie t’appelle –, Boris Cyrulnik nous a quasiment tous formés au concept de résilience. Par son écriture pédagogique, il nous a initiés à la notion d’autonomie psychique. Ces livres sont aussi connus pour nous faire du bien. Mais c’est une tout autre partition qu’il entame depuis Le Laboureur et les Mangeurs de vent, paru l’an dernier, qui fait entendre une voix préoccupée davantage par la direction que prend notre humanité. Une véritable inquiétude, de la part de celui qui, très tôt, a eu affaire à la violence humaine et à l’aveuglement idéologique. Son nouveau livre, Quarante voleurs en carence affective, sous-titré Bagarres animales et guerres humaines, témoigne en filigrane du…3 min
Lire|No. 522Nouvel horizonL’ACTUALITÉ • LE COIN DES LIBRAIRES Laure Leroy nous attend à la gare d’Yvetot. Au volant de sa Peugeot blanche, l’éditrice fonce à travers le pays cauchois, direction Veulesles-Roses. Cette commune en bord de mer s’enorgueillit d’avoir été un refuge pour de nombreux artistes, comme Victor Hugo, dont la statue se tient face aux flots. Mais la nouveauté qui fait la fierté du village, attirant de nombreux touristes, ce sont Les Mondes de Zulma. Inaugurée au printemps 2022, la librairie est le fruit d’une prise de conscience en plein confinement. La directrice des éditions Zulma passe le printemps 2020 dans sa maison de Veules-les-Roses. La fermeture des librairies la scandalise. Avec son amie Laure Schaufelberger, typographe dans l’édition, elles ouvrent une librairie éphémère. Il leur faut ensuite deux ans pour…3 min
Lire|No. 522JAMES PRICHARD3 QUESTIONS À… Mystère à Venise est une adaptation du Crime d’Halloween. En quoi se distingue-t-elle? James Prichard. Michael Green, le scénariste du Crime de l’Orient-Express et de Mort sur le Nil, voulait s’attaquer au Crime d’Halloween depuis longtemps. Cela m’avait surpris car ce roman est bien moins connu que ceux utilisés pour les deux précédents films. Mais, selon Michael, si l’on voulait continuer à faire des adaptations réussies, il fallait que celle-ci se démarque. C’est le cas de Mystère à Venise, dont la tonalité est totalement différente. Des libertés ont été prises avec le roman, qui se déroule dans la campagne anglaise et non à Venise. Quand Michael a écrit le scénario, il voulait situer l’intrigue dans un environnement plus atmosphérique, et Venise, au-dessus de laquelle plane une aura…2 min
Lire|No. 522Les dents (pointues) de la merQuelques pages d’une œuvre suffisent parfois à inspirer une adaptation au cinéma. Ainsi, un simple passage du Dracula de Bram Stoker a suggéré ce Dernier voyage du Demeter, en l’occurrence un extrait du chapitre 7: le journal de bord du bateau transportant le célèbre vampire jusqu’en Angleterre. On pouvait redouter cette relecture, eu égard à sa production chaotique (plusieurs réalisateurs ont quitté le navire en cours de route), mais, malgré un cahier des charges « politiquement correct » limitant la puissance du film et une interprétation un peu plate, le Norvégien André Øvredal (The Jane Doe Identity) a su tenir sa barque et renouveler le mythe grâce à un climat anxiogène à souhait, une reconstitution crédible, une créature graphiquement réussie et – c’est le principal – de vrais beaux moments…1 min
Lire|No. 522Planches mixtesAvec Proches, c’est encore une fois une pièce singulière et de haute intensité dramatique que propose Laurent Mauvignier. Un père, une mère et leurs deux filles, aidées par leurs compagnons respectifs, préparent une fête en l’honneur de Yoann, leur fils et frère, à l’occasion de sa sortie de prison, après quatre ans de captivité. Mais voici que débarque Clément, l’ancien amant de Yoann. Que vient-il faire dans cette réunion des proches de l’exprisonnier? Le suspense se met en marche. Au fil de confidences arrachées ou volées, d’engueulades tonitruantes et de tendres réconciliations, les sept personnages présents, à la fois unis et inconciliables, tous traumatisés pour des raisons différentes, vont se dévoiler. Parfois interrompus par des interventions fantasmées de Yoann, les dialogues s’enchaînent, à la fois quotidiens et poétiques, drôles et…2 min
Lire|No. 522Olivier Bourdeaut, pionnier d'une rentrée connectéeLe règne sans partage des réseaux sociaux, l’émergence de nouveaux médias et de plateformes numériques innovantes poussent de plus en plus d’auteurs à s’interroger sur les méthodes de diffusion de leurs écrits. Si la publication papier reste un graal prestigieux, incomparable, de nouveaux procédés étonnants voient le jour qui viennent secouer le milieu en même temps que nos habitudes de lecture. En cette rentrée littéraire, une initiative risque ainsi de faire beaucoup parler d’elle. En juin dernier déjà, Olivier Bourdeaut avait surpris son monde. L’auteur d’En attendant Bojangles, livre multirécompensé, vendu à plus d’un million d’exemplaires et adapté au cinéma, choisissait la plateforme Kessel, spécialisée dans la newsletter, pour publier en quatre épisodes une nouvelle inédite intitulée Devenir quelqu’un, rester un fils. Mais cette courte aventure d’un nouveau genre n’était…2 min
Lire|No. 522La compétitivité doit-elle primer sur tout?De droite ou de gauche, tous nos gouvernements se sont ralliés, depuis trois décennies, à une « politique de l’offre » visant, par des baisses d’impôts pour les entreprises, par une réduction des dépenses publiques et par un salariat « flexibilisé », donc moins exigeant sur les salaires, à améliorer la compétitivité de nos produits. On en connaît les raisons: la concurrence mondiale et l’euro, qui empêche de pratiquer des dévaluations permettant d’abaisser nos prix à l’exportation. Le hic, comme l’explique le docteur en sciences politiques Benjamin Brice dans L’Impasse de la compétitivité, est que cette stratégie a non seulement échoué – jamais notre balance commerciale n’a été aussi déficitaire – mais qu’elle a eu des effets collatéraux désastreux. Elle a accéléré la désindustrialisation de notre pays, entraînant, comme on…2 min
Lire|No. 522DES LIVRES ET DES JEUX À VILLENEUVESUR-LOTLe premier week-end de l’automne 2023 se tiendra, pour la troisième année consécutive, le festival littéraire Villeneuve se livre. Près de 70 auteurs sont attendus pour ces deux journées de rencontres, de dédicaces et d’animations littéraires. Parmi eux, Alexia Stresi, Régis Jauffret, Michelle Perrot, notre chroniqueur Daniel Picouly ou encore le lauréat du prix Goncourt 2020, Hervé Le Tellier. Le festival prévoit de faire la part belle aux plus jeunes. Sept auteurs jeunesse sont attendus, et les organisateurs ont prévu des ateliers d’écriture, des séances de contes et des animations destinés aux familles, ainsi que desrencontres entre les auteurs et les scolaires villeneuvois. Les festivités commencent dès le 22 septembre, avec une soirée d’ouverture au théâtre Georges-Leygues, en présence de la marraine et du parrain de l’événement, Colombe Schneck et…1 min
Lire|No. 522Le Tour de France des écrivainsHORS-SÉRIE Nul besoin de porter un maillot jaune pour faire le tour de France. Ainsi, Lire Magazine vous propose d’explorer le pays à travers son patrimoine littéraire. De la Normandie à l’Aquitaine, en passant par les outre-mer, ce hors-série revient sur la richesse de chaque territoire à travers ses plumes emblématiques (Hugo, Colette, Flaubert…), ses œuvres majeures et ses lieux iconiques (pour la plupart tirés de Mes maisons d’écrivains d’Évelyne Bloch-Dano, au Livre de Poche). Mais les plumes contemporaines ne sont pas oubliées (Jean-Christophe Rufin à Chamonix, Christian Signol en Corrèze…), ni les textes inédits – le Jura de Pierric Bailly, le mystérieux lac du Salagou de Fabrice Caro ou La Réunion chère à Gaëlle Bélem. Une véritable « invitation au voyage », comme dirait Baudelaire! Disponible chez votre marchand…1 min
Lire|No. 522L'AVIS DES LECTEURS2 * Son odeur après la pluie Cédric Sapin-Defour (Stock) « Cédric Sapin-Defour m’était jusqu’alors un auteur parfaitement inconnu, et pour cause: prof d’éducation physique, il a consacré l’essentiel de ses ouvrages à l’alpinisme. Ce qui aurait pu n’être qu’une énième anecdote littéraire sur les relations qui lient l’humain à son meilleur ami à quatre pattes est en réalité un contre-pied parfait à cette quête de verticalité qui anime les arpenteurs des sommets, quand justement le chien, dans tous les aspects du quotidien, amène à plutôt tout horizontaliser. De la rencontre […] au sein d’un pittoresque élevage suisse de bouviers bernois aux visites chez les vétos en passant par les balades en montagne, au bord des lacs […], l’auteur témoigne de cette fusion de tous les instants avec son compagnon.…2 min
Lire|No. 522MARGUERITE YOURCENAR Modernité d'une inactuelleLE DOSSIER Lorsque l’on cite les grands du XXe siècle, elle vient toujours en second lieu: Proust évidemment, Céline incontestablement, Albert Cohen à la rigueur, et puis… et puis Duras, Colette, et enfin Yourcenar, dont on célèbre aujourd’hui les 120 ans de la naissance. On peut y voir une manifestation du sexisme de l’historiographie, qui tend à se figurer la littérature masculine comme un continent où tout se relie, et les romancières comme des îles surgies de l’océan sans trop de conséquences sur le paysage. Sauf que Marguerite Yourcenar était bien une île, même si elle a influé, entre autres, sur tous les romans historiques sérieux, en donnant, avec Mémoires d’Hadrien, un modèle indépassable. Son éducation solitaire et à moitié autodidacte en a fait une érudite dont la passion pour…2 min
Lire|No. 522L'ÉRUDITION FANTASTIQUE DES NOUVELLES ORIENTALESSi vous cherchez une porte d’entrée dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, c’est par ici! Dans ce sublime recueil publié en 1938, la romancière adapte à la forme épurée des contes et nouvelles son immense érudition, son génie stylistique, sa poésie métaphysique. Histoire d’une femme emmurée dans une tour qui, par-delà la mort, persiste à allaiter son enfant. Aventure d’un peintre chinois qui « aimait l’image des choses, non les choses elles-mêmes », et d’un empereur que ses tableaux avaient rendu aveugle à la beauté du monde (« Tu m’as menti, Wang-Fô, vieil imposteur: le monde n’est qu’un amas de taches confuses, jetées sur le vide par un peintre insensé, sans cesse effacées par nos larmes »)… Et cette écriture, d’une beauté solaire, qui inscrit d’emblée ces textes dans l’éternité, où…1 min
Lire|No. 522ALEXIS OU LES AVEUX DE LA CHAIR« Les livres ne contiennent pas la vie; ils n’en contiennent que la cendre; c’est là, je suppose, ce qu’on nomme l’expérience humaine. » « On se débat dans la solitude comme au centre d’un cristal. » D’où Marguerite Yourcenar tire-t-elle, à 26 ans, la sagesse qui lui permet d’écrire des phrases aphoristiques de cette qualité? Dans Alexis ou le Traité du vain combat, son premier roman, elle prend la voix d’un jeune musicien issu d’une lignée appauvrie de Bohême-Moravie. Celui-ci écrit une longue lettre à Monique, son épouse, pour lui livrer un aveu indicible: « On ne s’éprend pas surtout de ce à quoi l’on ressemble; et ce dont je différais le plus, ce n’était pas des femmes. » Bien sûr, cet aveu se doit d’être contextualisé: notre jeune…1 min
Lire|No. 522Pierric Bailly LA NATURE DES AUTRESDis-moi qui t’aime, je te dirai qui tu es. Un jour, alors que Pierric Bailly est en dédicace dans un salon littéraire, son voisin de table, Philippe Jaenada, lui fait remarquer que les gens qui viennent à sa rencontre, à la fois simples et sympathiques, donnent envie de lire ses livres. Si les lecteurs de Pierric Bailly se révèlent les meilleurs ambassadeurs de son œuvre en construction, c’est avant tout parce qu’ils se reconnaissent dans ses mots, à hauteur des femmes et des hommes qu’ils sont, au diapason de leurs désirs et de leurs préoccupations. Ses personnages se prénomment Julie, Bobby, Max, Aymeric, Jim ou Suzy. Ils sont intérimaire, vendeur chez Paul ou employé dans une usine de cartonnage. Ils roulent en AX, prennent des photos qu’ils n’ont pas les…9 min
Lire|No. 522TROIS INITIATIVES QUI FONT RAYONNER LA LITTÉRATURE DU VIVANTLE MURMURE DU MONDE Un voyage littéraire au-devant de la nature Dans la petite commune d’Arrens-Marsous (HautesPyrénées), Mathilde Walton, ancienne programmatrice de la Villa Gillet à Lyon, a imaginé avec son équipe un projet pas comme les autres visant à promouvoir le livre dans les terres rurales et reculées. Tout au long de l’année, des actions littéraires sont ainsi organisées au cœur des montagnes, et une résidence d’écrivain accueille les romanciers dans les hauteurs. En point d’orgue, tous les ans au mois de juin, un « festival écopoétique » offre au public des moments hors du temps, des rencontres avec les auteurs en immersion dans la nature. lemurmuredumonde.com LA LIBRAIRIE UTOPIA Un bouillon de culture écologiste Au cœur du 5e arrondissement parisien, un bastion de la littérature écolo a ouvert…1 min
Lire|No. 522Les parents terriblesDANS LES PILES Une rentrée et deux romans que tout, a priori, oppose. L’un est une savante construction pleine de réflexions tranchantes, l’autre est une errance ultra-poétique qui nous ébranle le cœur. Et pourtant une vibration proche habite ces deux livres: celle causée par des parents suicidés qui laissent des enfants égarés, trahis. On pourra toujours écrire sur tout, la famille reste le lieu plein de failles et de secousses où notre roman intérieur s’élabore. Tels des Roméo et Juliette modernes, Maud et Ezra Kerr, 86 et 88 ans, se sont donné la mort ensemble, en tenue de soirée, dans un palace parisien. Comme les flamboyants publicitaires qu’ils furent – on leur doit des campagnes inoubliables pour Dim, Kodak, Benetton et… Mitterrand –, ils ont orchestré et mis en scène…3 min
Lire|No. 522BIO EXPRESS1994 Le Sexe et l’Effroi marque une rupture dans l’œuvre de Pascal Quignard, qui renonce, cette même année, à son métier d’éditeur et abandonne l’idée d’une carrière dans la musique. Il quitte Paris pour s’installer à Sens (Yonne) et se consacrer à la littérature. 2002 Les Ombres errantes, premier volume de « Dernier royaume », reçoit le prix Goncourt. À mi-chemin entre le poème et le conte philosophique, l’essai et la fiction, ce texte inclassable divise le jury et suscite une vive polémique. 2023 À 75 ans, Pascal Quignard reçoit le prix de la BNF et le prix Formentor pour l’ensemble de son œuvre ainsi que « pour la virtuosité avec laquelle il a renoué avec la généalogie de la pensée littéraire », précise notamment le communiqué.…1 min
Lire|No. 522MARQUE-PAGE par Baptiste LigerUn premier roman, c’est un destin qui bascule. Le commencement d’une nouvelle vie, qui se trouve parfois, de manière symbolique, au cœur du récit, comme le prouvent les ouvrages de deux « débutants » de cette rentrée. Ainsi, une carrière tient parfois à une simple feuille de papier. Jeune professeur d’histoire-géo un peu dépité, Guillaume rencontre Nadia à la salle de sport. Titulaire d’une licence en éco-gestion, elle est aujourd’hui vendeuse chez Zara. Mais l’enseignant est convaincu qu’elle pourrait viser plus haut. Il lui fabrique alors un faux diplôme de master d’HEC, afin qu’elle postule à des postes plus prestigieux, pourquoi pas chez Accor… Ce sera le début d’une ascension vertigineuse – mais gare à la chute! Variation balzacienne sur le thème du conditionnement social, Le Diplôme met au jour…2 min
Lire|No. 522Double-fond et fils cachéParfois, on s’imagine capturer une image, mais, à y regarder de plus près, une tout autre apparaît à l’arrière-plan. C’est ce qui arrive au photographe d’Antonioni et c’est ce qui arrive à Sylvain Prudhomme, lorsque son récit algérien de 2011 révèle soudain, dans le doublefond d’une scène d’amour, un personnage inaperçu. Alors, comme dans le film, la vérité fait son « blow-up » : elle explose et se trouve agrandie. En l’occurrence, c’est la famille qui, brutalement élargie au premier fils caché du patriarche, menace d’éclater. On se souvient de Malusci, l’austère grand-père pied-noir de Là, avait dit Bahi. Ses obsèques révèlent ici l’existence d’un enfant allemand, né alors que son régiment occupait le lac de Constance, en 1944. Pour raconter cette histoire, partagée par 400 000 rejetons de soldats…1 min
Lire|No. 522ET AUSSI…INDIGNE CÉCILE CHABAUD 240 P., ÉCRITURE, 20 € Déporté en 1944 à Buchenwald, d’où il rapporta des dessins qui forment un précieux témoignage sur l’univers concentrationnaire, Georges Despaux, à son retour en France, fut traduit en justice pour avoir appartenu au Parti populaire français de Doriot. Vrai militant ou agent infiltré? Cécile Chabaud rouvre le dossier dans ce roman en trois parties: le camp, le procès, l’enquête enfin, ouverte plus tard sur Despaux par le légataire de ses dessins. Cette dernière, qui permet à l’autrice d’Indigne de mettre en scène la question du jugement à porter aujourd’hui sur les actes d’hier, n’est certes pas indemne d’un certain didactisme. Le récit du procès, en revanche, est dense, éprouvant, captivant. Il justifie à lui seul ce beau roman, qui reproduit plusieursœuvres de…1 min
Lire|No. 522Nos dérives à venirEn 2030, la Ligue française vient d’assassiner huit députés en direct; le gouvernement ultralibéral en déroute s’est réfugié à Chartres, et partout des mi lices s’arment: « islamo-wokistes », « afros » de la brigade Mansa Moussa, écologistes radicaux du Battalion of Gaia, ultra-catholiques de Céleste… Rescapé d’un attentat lié à la « situation » – ainsi que notre manie de l’euphémisme nomme ce chaos civil –, Kamel, écrivain de polars sur le retour, trouve un mystérieux pendentif en forme de coran, renfermant un numéro de téléphone et un cœur flanqué d’initiales… Dix ans après Arab Jazz et plusieurs documentaires brillants, le cocktail Miské bat son plein: jeux de pouvoir, conflits religieux et éclairage historique de l’actualité sur fond d’énigme, d’ironie grinçante et de playlist décolonisée, le tout ancré dans…1 min
Lire|No. 522AMÉLIE NOTHOMB • NATHACHA APPANAH Le masque et la plumeC’est à la page 106 du nouveau roman d’Amélie Nothomb que l’on trouve la meilleure explication de son titre: « L’immense majorité des peuples ont identifié l’oiseau au psychopompe. […] Qui peut effectuer le voyage le plus radical sinon celui qui vole? Et quand on désigne un psychopompe humain, c’est Orphée, le poète, celui qui chante – l’autre attribut de l’oiseau. »Ainsi, enfant, Amélie Nothomb s’estelle prise de passion pour toutes les créatures ailées – corbeaux, canaris, colverts… –, symboles de liberté. Celle de l’écrivain en devenir? Voler, ne serait-ce pas aussi passer d’un territoire à un autre? Et relativiser la frontière entre la vie et la mort? Loin d’un manuel d’ornithologie, Psychopompe revient sur quelques épisodes essentiels de la vie d’Amélie Nothomb et se révèle, dans son dernier tiers,…1 min
Lire|No. 5223 POCHES EN PLUSPORCA MISERIA TONINO BENACQUISTA 240 P., FOLIO, 8,10 € L’auteur de La Maldonne des sleepings et de Saga quitte les rivages de la fiction pour aborder ceux, plus délicats, du récit autobiographique. Porca miseria est une grande réussite. Dans un style factuel, sans afféteries, précis, il raconte ses parents italiens immigrés en banlieue parisienne, la fratrie qui se débrouille et lui, le petit dernier, le seul à être né en France, qui va trouver dans les romans (et les séries télé) de quoi nourrir un imaginaire qu’il saura partager. Touchant. Éric Libiot DEUX SECONDES D’AIR QUI BRÛLE DIATY DIALLO 168 P., POINTS, 6,90 € Un premier roman qui n’est pas une fiction. Diaty Diallo est allée chercher au plus près de ce qu’elle connaît la matière de ce récit qui…1 min
Lire|No. 522Cocaïne et dépendancesDramaturge spécialiste du théâtre élisabéthain, Clément CamarMercier met en scène une tragédie aux accents très shakespeariens, un Roméo et Juliette sous amphétamines où l’amour n’est pas interdit mais destructeur. Jeanne est une célèbre actrice porno qui anesthésie sa souffrance à coups de rails de coke et la déguise en plaisir. Nathan, lui, est un étudiant en cinéma raté qui se drogue pour justifier ses échecs. Ils se rencontrent en cure de désintoxication, nouveau temple sacré des victimes d’une société de consommation qui a muté et se noie désormais dans l’addiction. Débute alors une danse, furieuse et sublime, entre Éros et Thanatos. Drame social au vitriol, Le Roman de Jeanne et Nathan est aussi la complainte douloureuse et poétique d’une génération désenchantée.…1 min
Lire|No. 522Souper à la grimaceOn imaginerait bien une adaptation sur scène d’Un simple dîner, le premier roman de Cécile Tlili. Dans cet efficace huis clos, deux couples – Rémi et Johar, Claudia et Étienne – sont réunis le temps d’un repas. Alors que chacun et chacune fait de son mieux pour présenter une image convenable, le vernis mondain s’écaille peu à peu, révélant les intentions cachées, les rancœurs, les frustrations. Du salon, scène principale du petit théâtre cordial de cette soirée bourgeoise, les convives disparaissent peu à peu au profit du balcon, de la salle de bains ou de la cuisine, alcôves propices aux échanges de secrets et aux éclats de vérité. En littérature comme en cuisine, l’équilibre est essentiel, et Cécile Tlili choisit d’alterner les points de vue pour retranscrire subtilement l’hypocrisie d’une…1 min
Lire|No. 522BIO EXPRESS1947 Salman Rushdie naît à Bombay, dans une famille de tradition musulmane. Il étudie en Inde puis en Angleterre. Lui aussi diplômé de Cambridge, son père a choisi le nom de Rushdie en hommage au médecin et philosophe arabe Ibn Rushd plus connu sous le nom d’Averroès. 1981 Consacré à l’indépendance et à la partition de l’Inde, le deuxième roman de Rushdie, intitulé Les Enfants de minuit, lui vaut de recevoir le Booker Prize. À l’occasion des 25e et 40e anniversaires du prix, le roman sera élu meilleur livre de cette distinction. 2007 Salman Rushdie est anobli par Élisabeth II. Plusieurs pays musulmans condamnent cette nomination. Depuis 1988 et la publication des Versets sataniques, il y fait l’objet de condamnations diverses, dont une fatwa prononcée par l’ayatollah Khomeyni.…1 min
Lire|No. 522MARQUE-PAGE par Alexis BrocasÉcrire sur la bonté n’est pas facile: on a tôt fait de passer pour un ingénu, d’apparaître comme une version à plume du prince Mychkine dans L’Idiot de Dostoïevski. Alors louons sa compatriote contemporaine Gouzel Iakhina, qui parvient à mettre en scène le versant lumineux de l’humanité aux pires heures de l’Union soviétique sans escroquerie aux bons sentiments! Cela se passe dans un roman dont le titre, Convoi pour Samarcande, vaut pour intrigue: en 1923, alors que la collectivisation s’achève et que la famine persiste, l’officier Deïev doit transporter cinq cents orphelins de Kazan au Turkestan. Un mois et demi de voyage en train à travers la campagne affamée, les steppes, les déserts, à bord de la disparate « guirlande », en compagnie de gamins souvent malades, parfois vicieux, toujours…1 min
Lire|No. 522Un conte cruelA -t-on déjà lu conte de fées aussi crasseux? Il était une fois Lapvona, village médiéval sous la férule de Villiam, seigneur et gouverneur des lieux. Pour empêcher ses ouailles de se révolter, ce dernier s’attire la complicité de bandits qui pillent, assassinent et sèment la terreur. Perçu comme le « chien errant » du village, Marek navigue entre la masure de sa nourrice, Ina, la sorcière du coin et la bergerie où son père Jude élève brebis et agneaux avec plus de soin que son propre fils. Difforme, « grandi de travers », Marek n’a jamais connu sa mère, morte en lui donnant la vie, lui dit-on. Imprégné d’une morale religieuse confinant au fanatisme, le garçon de 13 ans s’applique à pardonner à ceux qui se montrent cruels envers…1 min
Lire|No. 522ZERUYA SHALEV Israël à découvertAu fil de ses sagas, Zeruya Shalev confirme un don exceptionnel pour nous rendre familières les réalités israéliennes les plus complexes. Utilisant le prisme de la vie intime pour interroger les opinions de son pays, la lauréate du prix Femina étranger en 2014 apporte, de plus, un éclairage historique sortant des sentiers battus. Chez elle, les enjeux de pouvoir se jouent depuis le cercle le plus privé: dans Stupeur, il s’agit d’une famille aisée et recomposée, où l’on ne se comprend plus, dans la ville d’Eilat. Entre les parents, tout est sujet à discorde. Alex afflige Atara de remontrances sexistes, alors qu’elle vient de perdre son père, patriarche tyrannique qui l’avait confondue, sur son lit de mort, avec un amour de jeunesse, Rachel. Quand l’État hébreu était sous mandat britannique,…2 min
Lire|No. 522Les fantômes de TaïwanRoman hybride en tout point, Ghost Town détonne d’entrée de jeu par sa faculté à allier le rationnel et l’irrationnel. Après plusieurs années dans une prison allemande, Chen Tienhong rentre à Yongjing, petit village de l’île de Taïwan qui l’a vu naître au cœur d’une fratrie de sept enfants. Le lieu ne ressemble en rien à celui qu’il avait quitté pour vivre son homosexualité en paix, et a tristement été épargné par l’ère du progrès. Ces terres fantomatiques hésitent entre les « rizières non exploitées », « les fossés d’irrigation desséchés » et les dégâts causés par les tremblements de terre qui ont détruit la maison de sa grandmère, unique vestige de son enfance. Son arrivée en pleine fête des Fantômes le fait converser, au gré de ses souvenirs, avec…1 min
Lire|No. 522Tous complotistes?Frank, brillant programmeur frappé d’un syndrome d’anxiété sévère, est introuvable depuis un séjour à Paris où il devait rejoindre d’autres habitués d’un forum en ligne consacré aux extraterrestres. Sa compagne engage alors Robin, détective partageant sa passion pour Jean-Sébastien Bach. L’enquêteur décèle des liens entre son propre passé et ses investigations, ainsi que de quoi étayer la théorie du disparu, issue d’un obscur ouvrage de science-fiction: des aliens seraient en train de coloniser la Terre… Conquest retrace cette enquête tortueuse en y intégrant divers documents, extrait de roman, critique de concert ou essai sur le cinéma. Trouver un sens souvent erroné à la très chaotique complexité du monde n’est pas l’apanage des complotistes, mais le propre de l’humanité tout entière, semble nous dire Nina Allan dans ce nouveau roman ludique,…1 min
Lire|No. 522Avoir les crocsDonner un coup de jeune au comte vampire de Bram Stoker, tel semblait être le dessein de Dana Grigorcea. De fait, Vlad l’Empaleur, le Dracula originel dont s’est inspiré l’écrivain irlandais, fait définitivement partie de Ceux qui ne meurent jamais. Le récit prend racine dans la petite bourgade de B., dans le sud de la Transylvanie, au pied des Carpates. La narratrice y renoue avec ses souvenirs d’enfance dans la villa Diana, l’immense bâtisse de sa grand-tante. Tout s’emballe lorsqu’un corps mutilé est retrouvé dans la crypte familiale. Et si Vlad l’Empaleur était de retour? Pittoresque et gothique, le récit de Dana Grigorcea, voguant admirablement entre tradition et modernité, est de ceux que l’on ne lâche pas.…1 min
Lire|No. 522BIO-BIBLIOGRAPHIE1973 Naissance à Paris de ce fils d’un ingénieur et d’une enseignante en lettres. Normalien et agrégé d’histoire, il consacre sa thèse de doctorat aux enfants de l’Assistance publique sous la Troisième République. En 2005, il devient maître de conférences en histoire contemporaine à l’université du Mans, avant d’intégrer, huit ans plus tard, la Sorbonne-Paris Nord. 2012 S’il avait déjà publié plusieurs essais, Ivan Jablonka est remarqué d’un plus large public avec la publication d’Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus, au sujet de ses aïeux paternels, juifs polonais déportés à Auschwitz. Codirecteur de la collection « La République des idées » au Seuil, il crée un an plus tard la collection « La Vie des idées » aux PUF. 2016 Événement de la rentrée littéraire, son récit-enquête sur…1 min
Lire|No. 522LE MOT DU PRÉSIDENT DANY LAFERRIÈRE« Dans une petite ville près de Montréal, chez une amie, je suis tombé sur un poète dont j’ignorais encore l’œuvre. Il s’agissait de Bashō. Le poète, alors malade, s’était mis en route pour voir un coucher de soleil au nord du Japon. Par ce vers, “La vie même est un voyage”, Bashō mettait son cœur à nu, et le paysage s’est élargi sous mes yeux. Ainsi, il m’entraînait à sa suite. Ce mouvement que j’entreprends aujourd’hui vers Besançon se retrouve dans le sillage de Bashō. Et l’émotion que j’éprouve en pensant à revoir cette ville me rapproche du poète voyageur. J’ai hâte de flâner dans ce paysage où je croiserai des visages illuminés par l’alphabet. À cela il faut ajouter le vin, la conversation et de minuscules surprises auxquelles…1 min
Lire|No. 522Les enfants de la téléL’après-guerre fut une période de diffusion massive des moyens de communication audiovisuels, télévision en tête. Partant de ce constat somme toute banal, l’historien Jean-François Sirinelli s’est livré, avec Le Temps qui passe, la France qui change, à un travail de mémoire original: établir un inventaire des images et des sons qui ont marqué une certaine « France profonde », celle, populaire et hexagonale, des Trente Glorieuses. Portée par le rêve américain et ses promesses consuméristes, ce pays du plein-emploi s’appliqua à fabriquer des « mythologies », comme dira Roland Barthes, et des icônes made in France (Johnny Hallyday au premier chef), avant de subir une série de mutations socioculturelles qui allaient donner naissance à la France d’aujourd’hui, moins optimiste et où règne l’omnipotente image, livrée sans décodeur. Les sexagénaires se…2 min
Lire|No. 522« Le groupe Inculte n'a ni leader ni manifeste »Le collectif Inculte est né en lançant une « revue littéraire et philosophique » au format poche inhabituel. Quel était son projet? Jean-Marc Baud. Le collectif, c’est d’abord la revue. Outre un intérêt marqué pour la littérature anglo-saxonne, elle se distingue notamment par le choix des fondateurs – Oliver Rohe, Jérôme Schmidt, Benoît Maurer et Maxime Berrée – de s’entourer de jeunes écrivains pour animer de façon régulière le périodique, et en particulier son dossier, qui aborde des thèmes allant du plus grand sérieux philosophique (« le ressentiment », « le faux ») au plus potache (« le cul », « l’alcool »). Parmi eux, on retrouve de nombreux auteurs et autrices aujourd’hui bien connus: Maylis de Kerangal, Mathias Énard, François Bégaudeau, Joy Sorman, Arno Bertina, Claro, Hélène Gaudy, Mathieu…2 min
Lire|No. 522ET AUSSI…Basé sur un roman de Mizuki Tsujimura, Le Château solitaire dans le miroir marque le retour d’un maître de l’animation nippone, Keiichi Hara. Une jeune collégienne, déscolarisée et renfermée, traverse régulièrement le miroir (au sens propre) pour retrouver des camarades dans un étrange manoir. Une évocation subtile et onirique du malêtre adolescent (en salles le 6 septembre). Après avoir raflé un césar pour son adaptation d’Illusions perdues, Jacques Fieschi remet le couvert avec Balzac en transposant la nouvelle Les Secrets de la princesse de Cardignan. Derrière la caméra, pas de Xavier Giannoli mais Arielle Dombasle – qui s’offre d’ailleurs le rôle-titre (en salles le 13 septembre).…1 min
Lire|No. 522Plante vivaceL’ACTUALITÉ • POP CULTURE Avec Harley Quinn, Poison Ivy fait partie des personnages féminins les plus passionnants à avoir jalonné l’univers de Batman. Faisant partie intégrante de la mythologie du héros, elle en a traversé toutes les itérations, télévisuelles, cinématographiques, graphiques ou vidéoludiques. Petite piqûre de rappel pour qui ne connaîtrait pas la vénéneuse antagoniste du Chevalier Noir. À la suite de diverses expérimentations, Pamela Isley, botaniste, se voit dotée de pouvoirs qui lui permettent de contrôler les plantes et d’empoisonner quiconque se dresserait sur son chemin. Redoutable séductrice, cette supercriminelle instable et ambiguë voue aux hommes une haine aussi forte que son amour pour les plantes. Dans Poison Ivy Infinite, l’antihéroïne décide de tout laisser derrière elle après les terribles événements de BatmanInfinite, qui ont failli lui coûter la…2 min
Lire|No. 522• LIVRES AUDIO/PODCASTCoordinatrice du Mouvement national des survivant.e.s de violences sexuelles en République démocratique du Congo, Tatiana Mukanire Bandalire témoigne de l’utilisation du viol comme arme de guerre. Préfacé par le docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix, son récit, lu ici par Guila Clara Kessous, est une grande leçon de courage. Le Sens des mots, proposé par les Éditions de l’ENS de Lyon, cherche à répondre à des questions variées et passionnantes, comme « Quel rôle peut jouer la fiction dans le militantisme écologique? » ou « La fabrique des inégalités, ça commence dès l’école maternelle? ». Une première saison en forme d’éloge du gai savoir. Décoré par le prix Plume de paon des lycéens en 2023, Le Guerrier de porcelaine retrace l’enfance d’un père dans les derniers mois de…1 min
Lire|No. 522Sauver l'art en panneEn 2015, il se demandait si « gifler Jean d’Ormesson » pourrait donner quelque chance de sortir la littérature française des ornières de la complaisance. Romaric Sangars récidive avec un nouvel essai, La Dernière Avant-garde. Cible élargie: outre la littérature, l’art moderne et postmoderne, un art épuisé, qui bégaie en se parodiant et patauge dans les provocations à deux sous. « On voudrait nous faire croire que la vulgarité des tags pourraitnous sauver de l’inhumanité des blocs » ou que le snobisme kitsch et régressif d’un Jeff Koons porte encore quelque chose de la promesse de ce qui fut le grand art. Il n’en est rien et la crise est totale, métaphysique même: « le centre est perdu », Sangars renvoyant là au titre du remarquable essai du poète grec…2 min
Lire|No. 522Le testament de Pierre SoulagesL’ACTUALITÉ • AGENDA/EXPOSITION Le 25 octobre 2022, Pierre Soulages tirait sa révérence à l’âge de 102 ans. Il disait: « Quand on se consacre à sa passion, ce n’est pas du travail. »Et il aura appliqué cette devise jusqu’au bout, puisque son ultime toile, de petite taille, a été réalisée sur la terrasse de sa maison, à Sète, le 15 mai 2022. « Si j’arrête de peindre, il me reste à mourir », prédisait-il. C’est avec une immense émotion que le musée Soulages, situé à Rodez (Aveyron), a organisé une rétrospective, huit mois plus tard, de ses dernières œuvres, balayant la période 2010-2022, qui aura vu éclore plus de 300 pièces! Le délai était extrêmement court pour monter ce projet ambitieux, mais le directeur, Benoît Decron, a relevé le défi…2 min
Lire|No. 522Langue française: arrêtez le massacre!HORS-SÉRIE L’erreur est humaine. Malgré nos précautions et nos efforts, nous commettons tous des fautes de français, par étourderie ou par méconnaissance de certaines subtilités lexicales ou grammaticales. Voilà pourquoi Lire Magazine publie le hors-série « Langue française: arrêtez le massacre! ». Grâce à de nombreux exemples amusants (en premier lieu les gaffes de personnalités politiques) et divers questionnaires ludiques, cette édition met en lumière barbarismes, pléonasmes, tautologies, janotismes (parfois très drôles) et autres anglicismes malencontreux – sans oublier les tics de langage insupportables (« ça l’fait », « un monde de Bisounours »…), les concordances des temps erronées ni les problèmes de confusion des genres. Par exemple, le mot « échappatoire » est-il masculin ou féminin? Et les « soldes »? Disponible chez votre marchand de journaux et sur…1 min
Lire|No. 522Éric Reinhardt UN PARISIEN EN SES FORÊTSAvant que nous prenions le train pour le Perche, deux camarades bien introduits dans le milieu littéraire nous avaient mis en garde. Le premier, écrivain taquin: « Je ne connais pas d’auteur plus sophistiqué qu’Éric Reinhardt, il ferait passer Charles Dantzig pour un Gilet jaune. » La seconde, critique pourtant expérimentée: « Il est très sympa en vérité, mais à côté de lui on se sent toujours un peu bouseux. » C’est donc avec nos gros sabots et notre accent paysan que l’on arrive à la gare. Éric Reinhardt vient nous chercher en voiture (une Audi). Son tee-shirt décontracté ne fait pas oublier ses bagues, son bracelet ni son collier, des ornements que l’on imagine mal sur, mettons, Christian Signol: « Il y a vingt ans, avec ma femme et…9 min
Lire|No. 522Sans cadre et sans limite L'AUTODIDACTE À L'OUVRAGEPeut-on dire qu’est malchanceuse une enfance sans cadre ni contraintes, avec l’un des deux parents absent, sans vraiment d’amour, mais sans non plus autorité ni école? Peut-être pas, si l’on songe qu’elle fut celle de Léonard de Vinci, génie autodidacte sans père ni repères, dont la libido homosexuelle se « sublima en une immense curiosité intellectuelle », selon Freud1. On retrouve la même soif inextinguible de savoir chez Marguerite Yourcenar, dont la mère, Fernande Cartier de Marchienne, mourut d’une fièvre puerpérale quelques jours après la naissance de sa fille, le 8 juin 1903. Souvent absent, son père, Michel-Charles de Crayencour, un notable lillois désœuvré et flambeur, ne lui apporta pas une réelle « éducation ». Élevée par la gouvernante Barbara chez sa grandmère paternelle, Noémie Dufresne (qu’elle qualifie d’« abîme…6 min
Lire|No. 522L'ŒUVRE AU NOIR, ALCHIMIE ROMANESQUELongtemps en chantier comme le fut Mémoires d’Hadrien, ce roman historique prit d’abord la forme d’un bref récit, « D’après Dürer ». Publié en 1934 dans le recueil de nouvelles La mort conduit l’attelage, il faisait partie d’un projet plus ambitieux, jamais publié, mais qui servit de matrice pour un grand nombre de textes: Remous. Ce texte prit une dimension nouvelle lorsque Yourcenar s’avisa, en 1955, de le retoucher en vue d’une réimpression. Amplifié, transformé, il parut dans sa version définitive le 8 mai 1968, emportant la même année le prix Femina. Narrant le parcours initiatique de Zénon, un médecin persécuté par l’Inquisition impulsée par le concile de Trente (15421563), l’ouvrage a pour titre la formule qui désigne la première phase, la plus difficile, du grand œuvre, cette opération alchimique…1 min
Lire|No. 522Une passion créatrice L'IDÉAL ANTIQUE À PORTÉE DE PLUMEMême si sa curiosité intellectuelle a porté Marguerite Yourcenar vers d’autres domaines, l’Antiquité grecque et romaine a joué pour elle un rôle essentiel, culture avec laquelle elle est entrée très tôt en contact, par la visite de musées ou de sites antiques, par la lecture des auteurs anciens et par l’apprentissage du latin et du grec, de son propre chef, avec son père. Elle partage le sentiment qu’elle prête à l’empereur Hadrien quant à la langue grecque: « J’ai aimé cette langue pour sa flexibilité de corps bien en forme, sa richesse de vocabulaire où s’attesteà chaque mot le contact direct et varié des réalités, et parce que presque tout ce que les hommes ont dit de mieux a été dit en grec. » C’est avant tout la Grèce ancienne…7 min
Lire|No. 522TU L'AIMES… MOI AUSSIPierric Bailly fait partie de ces écrivains qui, sans réécrire toujours le même livre, recomposent les mêmes motifs dans des histoires nouvelles. On retrouve dans La Foudre plusieurs invariants: le décor jurassien, les personnages issus de la petite classe moyenne, dans la trentaine (à présent bien tassée, car ils vieillissent avec lui), aspirant à une vie libre et en marge. On y retrouve aussi le thème récurrent de l’intrusion dans la vie d’autrui, de l’imposture, de la pulsion spoliatrice qui, dans Les Enfants des autres et Le Roman de Jim, se fixait sur la paternité et le désir d’enfant. La Foudre raconte l’histoire de Julien, dit John, un natif du Jura qui fait le berger l’été dans les montagnes, pour être tranquille. Il apprend par hasard l’incarcération d’Alexandre, un copain…2 min
Lire|No. 522LA NATURE POUR TÉMOINSi les romans nous envoûtent grâce à la puissance de la fiction et des imaginaires, les témoignages, eux, secouent par la force d’histoires vraies, la puissance de vies vécues. Dans cette rentrée littéraire 2023, deux ouvrages à part, au carrefour de l’essai, de la rêverie et de la biographie, donnent une autre dimension à la littérature de la nature. Un écrivain peut parfois devenir prisonnier de son histoire. Après la parution de Felis Silvestris, son premier roman, un conte écologique au cœur des forêts, Anouk Lejczyk a décidé de tout plaquer pour travailler au plus près de ces arbres qui la fascinent tant. Avec Copeaux de bois. Carnets d’une apprentie bûcheronne (Le Panseur), elle nous livre un texte saisissant, le récit en immersion d’un voyage vers une nouvelle vie. Durant…2 min
Lire|No. 522HERNAN DIAZ Le sens de la fortuneIl est de ces livres qui ravissent les lecteurs dès les premières lignes, tout en plongeant les critiques dans un de ces dilemmes propres à la profession. D’un côté, ce roman est un chef-d’œuvre; il importe donc de le dire, arguments à l’appui. D’un autre côté, comment parler d’un texte qui ne cesse de se corriger et de se métamorphoser à chaque section, comme un insecte change de forme à chaque mue? Un texte qui réserve tant de surprises que toute évocation approfondie risque de virer au divulgâchis? Un texte qui par ailleurs se lit sans effort, mais dont les parties entretiennent des rapports si complexes qu’il faudrait des schémas pour les expliquer? Tentons de naviguer entre ces contraintes… Trust se centre sur deux figures: celle d’un spéculateur milliardaire né…6 min
Lire|No. 522AGNÈS DESARTHE À travers les âgesL’âge est sans doute la donnée la moins fiable dans une biographie. Pour coller à la vérité, il faudrait constamment mettre à jour le nombre d’années et la photographie. Ou bien rendre les armes, et décider que la vérité est ailleurs. Qui est Agnès Desarthe? Une autrice de livres pour enfants, une romancière, une traductrice de l’anglais, une chanteuse, une nouvelliste, une jeune mère? Elle est et a été tout cela, simultanément. À 20, 30, 40 et 50 ans. Au début des années 1990, la normalienne publiait son premier roman jeunesse (Je ne t’aime pas, Paulus), son premier roman pour adultes (Quelques minutes de bonheur absolu) et rendait sa première traduction, tout en devenant maman. Elle avait la vingtaine. Dernièrement, en croisant son reflet dans le miroir, Agnès Desarthe s’est…4 min
Lire|No. 522QUE VAUT?Depuis 2003 et La Montée des eaux, il bâtit une œuvre aussi plurielle que subtile, variant les formes, les thèmes, et le cadre, de New York au Japon, en passant par Détroit, Londres, Paris ou les confins norvégiens. En cette rentrée 2023, Thomas B. Reverdy resserre la focale. Le Grand Secours se déroule en une journée, à Bondy (Seine-Saint-Denis), dans des lieux qui sont ceux où l’auteur exerce depuis 2000. En effet, pour la première fois, Reverdy fait littérature de son autre métier: professeur. Tout commence autour du pont de la ville, nœud de rails et de routes, bordé par le canal de l’Ourcq. Certains personnages y passent, comme Candice, ce matin-là, à vélo. D’autres y arrivent: c’est le cas de Paul, écrivain parisien, qui va animer un atelier d’écriture…1 min
Lire|No. 522JEAN-BAPTISTE ANDREA Mémoire marmoréenneRien ne le prédestinait à la lumière. Et pourtant… Envoyé en 1916 dans la petite ville italienne de Pietra d’Alba pour y être formé à la sculpture, Mimo révèle un réel talent pour son art, et se lie d’amitié avec Viola, benjamine de la richissime famille Orsini. La jeune fille, impétueuse, brillante et furieusement moderne, inspirera l’artiste tout au long de son parcours d’homme et de créateur. Atteint de nanisme, Mimo – Michelangelo Vitaliani de son nom complet – fait face au dédain de ses pairs, malgré une virtuosité certaine. Il est en effet capable de déceler la beauté que cachent les blocs de marbre, l’en extrait avec une légèreté et un réalisme inégalés. Son génie atteindra son point d’orgue avec un chef-d’œuvre gardé caché par le Vatican, et dont…2 min
Lire|No. 522JÉRÉMY FEL • DIMITRI KANTCHELOFF Égratigner le gratinAmoralité, coucheries, népotisme, arrangements divers et adulation du grand capital: l’auteur de Malgré toute ma rage réserve aux éditeurs de Saint-Germain-des-Prés le même traitement que celui que des meurtriers sans scrupule infligent à ses protagonistes plus ou moins innocents. L’intrigue démarre pourtant en Afrique du Sud, où quatre adolescentes passent leurs vacances entre farniente et dépaysement, jusqu’au très cruel assassinat de l’une d’elles. Un flic local mène l’enquête; on comprend peu à peu que le mal absolu dont il est question trouve sa source Rive gauche, d’où rayonne l’empire éditorial de la famille Delage. D’un style sec, Jérémy Fel se livre à une surenchère dans l’innommable, dont la construction exploite efficacement les potentialités du roman choral. Avec Vie et mort de Vernon Sullivan, c’est par le truchement de Boris Vian…2 min
Lire|No. 522LES ÉCRIVAINS DELES INSTANTS SUSPENDUS PHILIPPE DELERM 128 P., SEUIL, 14,90 € Philippe Delerm a cet art de voir dans les choses plus que ce qu’ellesmontrent: il décode leur sous-texte, et la sensualité dont elles sont souvent chargées. Montrez-lui une paire de Stan Smith, il voit plus que des tennis. Il pense au joueur oublié, à son pull en point torsadé, à la fadeur British de son nom, au contraste entre son jeu rigide et cette chaussure si souple… De ses observations – sur la rose trémière, les livres non massicotés, la bouteille qu’on remplit à la fontaine, tout, rien –, il tire ces Instants suspendus, recueil de proses brèves, mélancoliques, ironiques. C’est la chronique dans ce que le genre a de meilleur, avec la précision du trait, la concision du style,…1 min
Lire|No. 522Être de lumièreDimitri Rouchon-Borie prouve décidément qu’on peut incarner quelque chose de nouveau dans un roman français corseté, pris au piège de ses obsessions. Après Le Démon de la colline aux loups en 2021, long râle d’un antihéros christique, une victime devenue bourreau; après deux chroniques judiciaires beckettiennes qui mariaient le sauvage et l’absurde, il continue de raconter, dans une langue bouillonnante, les déchirures qui forgent le cœur des hommes. Dans Le Chien des étoiles, sorte de conte gitan à la Kusturica où violence et beauté sont les deux faces d’une même pièce, il raconte la destinée magique de Gio, un adolescent qui, pour échapper à la mort, a signé un pacte avec la nuit. Aux côtés de Dolores et de Papillon, deux enfants du chaos, il s’élance dans l’obscurité, armé d’un…1 min
Lire|No. 522Feux de pailleCOULEURS DE L'ENNUI → La finesse n’a certes jamais été le fort de Laurent Binet. On ne peut que lui reconnaître un esprit inventif, hélas il gâche régulièrement ses bonnes idées. Son meilleur livre à ce jour demeure La Septième Fonction du langage, sorte de SanAntonio au pays des sémiologues, où l’humour potache de Binet faisait des merveilles dans la veine satirique. Il a ensuite publié Civilizations, objet intéressant (salué par l’Académie française) mais qui n’était qu’à moitié réussi. Son nouveau roman, Perspective(s), est quant à lui complètement raté. La Septième Fonction du langage était une enquête autour de la mort de Roland Barthes. Binet reprend cette trame en remplaçant Barthes par le peintre maniériste Pontormo, retrouvé assassiné en 1557 à Florence, au pied de fresques auxquelles il travaillait. Qui…3 min
Lire|No. 5223 LIVRES EN PLUSLA MAISON VÉNÉNEUSE RAPHAËL ZAMOCHNIKOFF 416 P., BELFOND, 22 € Si les murs ont une mémoire, cette Maison vénéneuse autour d’un garçon convaincu que sa demeure le persécute est de celles qui laissent un fort souvenir. Délire-t-il? Est-il victime d’un esprit funeste? L’enquête est haletante et l’écriture de Raphaël Zamochnikoff est captivante, parcourue de fulgurances – notamment lorsqu’il s’agit d’évoquer a découverte de l’amour, la mort qui rôde, le double et les non-dits. Simon Bentolila DÈS QUE SA BOUCHE FUT PLEINE JULIETTE OURY 272 P., FLAMMARION, 19 € Imaginez un monde où manger serait honteux et où l’injonction, du matin au soir, à avoir des rapports sexuels serait une affaire de santé publique. Ainsi la jeune héroïne s’adonnant à des coïts de moins en moins appréciés avec son compagnon parviendra-t-elle…1 min
Lire|No. 522Deux nuances de sépiaDROIT AU BUT Le 3 juillet 2023 mourait, à 100 ans, le dernier représentant du « commando Kieffer », unité de cent soixante-dix sept fusiliers marins français débarqués sur les plages de Normandie: Léon Gautier, une vie auprès des jeunes, propagandiste du « plus jamais ça ». Parmi les commentaires, on pouvait entendre: « Avec Léon Gautier s’achève le temps des héros, place à celui des collabos. » Pour dire que le collabo et la collabo prenaient du galon dans l’armée des héros et que la collabo supplanterait le collabo au bénéfice concurrentiel de l’amour. Bref! des héros romanesques, apportant un peu de mauvais sang frais à la littérature encalminée dans le contentement de soi et du soit. Bien sûr, il y avait eu Au bon beurre, de Jean Dutourd…3 min
Lire|No. 522DARIO DIOFEBI À la mesure de la démesureLE CAHIER CRITIQUE • LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE Paradise, Nevada appartient à cette catégorie typiquement américaine des gros romans hors norme pour lesquels semble avoir été conçue l’expression « objets littéraires ». Il fait même partie d’un sous-ensemble encore plus remarquable, celui des premiers romans. L’auteur, Dario Diofebi, n’est pourtant pas américain, mais italien. Né en 1987 à Rome, il suit des études de littérature à l’université Sapienza puis commence à jouer au poker en ligne. En 2013, il s’envole pour Las Vegas, où il devient joueur professionnel. Il quitte ensuite le poker pour reprendre des études d’écriture créative à New York, ville où il réside toujours. De son expérience à Vegas, il a tiré ce roman qui se présente comme un livre total, une radiographie multiforme de la ville au cours…4 min
Lire|No. 522QUE VAUT?Il y a eu Mon combat, monumental exercice d’exorcisme autobiographique en six volumes, dont la radicalité hyperréaliste a valu à son auteur vitupérations assassines et succès international. Puis Le Quatuor des saisons, tétralogie plus apaisée, chroniquant sa vie et ses réflexions de père de famille. Avec L’Étoile du matin, premier tome d’une série riche de trois volumes à ce jour, Knausgaard embrasse le roman, le vrai, tout en renouant avec l’ambition dévorante et la puissance métaphysique de ses débuts.Comme dans le Melancholia de Lars von Trier, l’apparition, à la fin de l’été, d’une « immense étoile dans le ciel » fait office de catalyseur fictionnel. Dans une petite ville balnéaire de Norvège, neuf personnages accueillent le phénomène du mieux qu’ils le peuvent – en humains faillibles, oublieux, apeurés. « Il…1 min
Lire|No. 522Des racines et des ailesEn octobre 2022, Kim de l’Horizon, recevant à 30 ans le prix du Livre allemand (équivalent du Goncourt), se rase le crâne en signe de solidarité avec les femmes iraniennes. Triomphe, sidération, tollé… Le personnage, non binaire, ne manque ni de talent ni de courage. Hêtre pourpre (le titre fait, entre autres, allusion à un arbre planté dans le jardin familial par « l’arrière-grand-per ») entend, de l’aveu même de sa traductrice, « déconstruire la binarité de genre véhiculée par la langue ». Kim revient sur les affects de son enfance en Suisse (à Ostermundigen, près de Berne), explore les mystères d’une généalogie féminine considérable, se frotte à la sorcellerie, questionne la sexualité et les rapports de domination afférents. C’est un roman audacieux et volubile, qui joue de la contrainte…1 min
Lire|No. 522La note juste« Nous nous consumons, nuit après jour, au son des riddims dub de la Crypte, priant pour que Babylone ne nous dépouille pas de notre univers. » À cette police qui abat sa violence sur les personnes noires, au chagrin et à la disparition des fantômes, Yamaye et ses amis opposent la danse. « Le corps sous l’influence sacrée du dub », ce style musical né dans les années 1960 en Jamaïque, tous cherchent leur liberté. Entre 1978 et 1982, de la banlieue de Londres à Bristol, jusqu’aux montagnes jamaïcaines de Cockpit Country, où des esclaves africains se réfugièrent, Jacqueline Crooks nous place dans les pas et le coeur de Yamaye, héroïne magnifique dont l’êtreaumonde et la voix portent tout à la fois le style et le rythme de Fire…1 min
Lire|No. 5223 POCHES EN PLUSRÉCITATIF TONI MORRISON 128 P., 10/18, 6,40 €. EN LIBRAIRIES LE 7 SEPTEMBRE. Cette nouvelle captivante, la seule qu’ait écrite Toni Morrison, suit l’amitié troublée entre Twyla et Roberta, deux filles qui se rencontrent dans un foyer pour enfants et se retrouvent des années plus tard. L’une est noire, l’autre blanche, mais laquelle? Jouant sur cette ambiguïté, l’écrivaine maintient une tension extraordinaire, et la réflexion qu’elle induit sur les préjugés raciaux et de classe se prolonge dans une intéressante préface de Zadie Smith. S.B. LES ABEILLES GRISES ANDREÏ KOURKOV 416 P., PICCOLO, 13 € Dans une zone grise du Donbass déserté, deux irréductibles, ennemis depuis l’enfance, cohabitent dans une promiscuité chaotique. Apiculteur, Sergueïtch décide au printemps d’emmener butiner ses abeilles dans des pâturages plus ensoleillés. Exprimant un idéal dans la…1 min
Sommaire pour No. 522 de Lire (2025)

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Author: Kerri Lueilwitz

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Name: Kerri Lueilwitz

Birthday: 1992-10-31

Address: Suite 878 3699 Chantelle Roads, Colebury, NC 68599

Phone: +6111989609516

Job: Chief Farming Manager

Hobby: Mycology, Stone skipping, Dowsing, Whittling, Taxidermy, Sand art, Roller skating

Introduction: My name is Kerri Lueilwitz, I am a courageous, gentle, quaint, thankful, outstanding, brave, vast person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.